La musique
dans l'uvre de Cardenal |
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Les troubadours comparaient un vers sans musique à un moulin sans vent. Nous devrions avoir cela à l'esprit en lisant les textes de Cardenal. Nous ne pouvons en effet apprécier principalement de nos jours qu'une partie de l'ouvrage. Il est fort possible, comme on le voit aujourd'hui dans le domaine de la variété internationale par exemple, que certains textes qui nous paraissent assez faibles aient été beaucoup plus appréciés que nous ne le pensons en raison d'un accompagnement original ou de la notoriété d'un air (ou même des connotations qu'une mélodie pouvait donner à un texte n'ayant apparemment rien à voir avec la pièce d'origine, apportant ainsi une dimension qui nous manquera irrémédiablement...). "...saup ben lezer e chantar ...molt trobet de bellas razos e de bels chantz...." Miquel de la Tor, le premier biographe de Cardenal est formel:, le poète fut un bon chanteur et il composa beaucoup de belles chansons. Cependant, comme tous les troubadours il dut puiser dans le fonds commun des mélodies populaires de son temps pour ses compositions qui dans une large proportion sont des "imitations strophiques" d'autres troubadours. Dans "Bilan d'un Trésor mélodique" (in "Présence des troubadours" Annales de l'Institut d'Etudes Occitanes 1970) , Jean Maillard établit le nombre de mélodies conservées en les ventilant par auteur et par catégorie. En ce qui concerne Pèire Cardenal la situation est la suivante:
Lavaud apporte les précisions suivantes "En principe, une combinaison poétique, et surtout un sirventès, qui emprunte la combinaison de rimes et le mètre d'une composition antérieure, en emprunte aussi la mélodie. (...) Il en résulte que, P. Cardenal ayant créé très peu de formes strophiques originales, vraisemblablement seulement trois de pièces importantes plus dix formes de coblas, il n'a eu besoin d'inventer que trois mélodies vraiment complètes - une variation musicale insignifiante de mélodie antérieure suffisant aux nouvelles formes de cobla, de même qu'il y suffit d'une légère variante de rime ou de mètre-." (Poésies complètes de P.C.) Difficile dans ces conditions de juger du talent musical de notre auteur! Les trois mélodies conservées: "Ar me puesc...", chanson, reproduit la combinaison de rimes et le mètre de deux chansons de Giraut de Bornelh . La mélodie conservée est donc sans doute celle de Giraut. La
Chanso de Giraut de Bornelh "No posc sofrir c'a la dolor"
est consultable en entier à l'adresse: Voici la comparaison des deux débuts ( mêmes formes strophiques):
"Ricx homs...", sirventès, reproduit la combinaison de rimes et le mètre -donc également la mélodie- d'une chanson de Raimon Jordan. "Un sirventes novel..." enfin, présente le même schéma de rimes et le même mètre qu'une centaine d'autres pièces (!) (d'autres troubadours). La composition de P.C. étant la plus ancienne de toutes celles-là on est conduit soit à considérer que la mélodie est de P.C. soit à considérer qu'elle appartient à un troubadour inconnu (?) antérieur ou contemporain de P.C. Plus vraisemblablement on peut penser qu'elle est bien de P.C.(la grande qualité du texte a dû être aussitôt reconnue et apporter ainsi à ce sirventès une grande diffusion -un "tube" ? - qui rendit la mélodie très populaire) La liste des principaux troubadours auxquels P.C. a effectué des emprunts a été établie (entre parenthèses le nombre de pièces): Bernart de Ventadorn (7), Bertran de Born (5), Pèire d'Auvernha (2), Jaufre Rudel (2), Guilhem de Cabestanh (1), Pèire Vidal (3), Jaucelm Faidit (3), Giraut de Bornelh (2), Raimbaut de Vaqueiras (1), Pèire Bremon (1), Arnaut de Maruelh (2), Aimeric de Pegulhan (1), Gui d'Ussel (2), Folquet de Marselha (1), Raimon de Miraval (1), Raimon Jordan (1) plus quelques autres moins connus ou simples jongleurs. Au total c'est 46 pièces qui sont des imitations strophiques (et donc aussi musicales) certaines et identifiées. Cela sous-entend que P.C. (comme les autres évidemment) était très au fait de la production de ses collègues et que les échanges intellectuels et esthétiques devaient être particulièrement nombreux d'un bout à l'autre de l'Occitanie. Il faut bien sûr, ne pas voir ces emprunts comme des plagiats (ni d'ailleurs comme des pastiches) mais comme des emprunts parfaitement autorisés entre pairs à un répertoire commun qui s'enrichit peu à peu des découvertes de tous. P.C.
semble lui-même indiquer cette démarche au début de
la pièce XLV: Mètres, rimes, mélodies fournissent ainsi un cadre, un support, un vecteur à la pensée mais laissent à l'artiste tout loisir d'exprimer son art personnel. Les
mélodies conservées sont données en notation ancienne
(analogue au plain-chant). |
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