I
Un sirventes vuelh far dels auls glotós
Que vendon Dieu e destruzon la gén,
E prezicon qu'el vivon sanctamén.
Ab bel semblan cuobron lurs trassiós:
Per qu'ieu no vuelh jamais esser selaire
De lurs crois faitz on es deslialtatz,
Pus c'atrestant e ves Dieu encolpatz
Sel que manten lairon com es lo laire.
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1
Je veux faire un sirventès sur ces misérables gloutons
qui vendent Dieu et ruinent le peuple,
tout en prêchant qu'ils vivent en saints.
Ils couvrent leurs trahisons d' un belle apparence,
aussi je ne veux en aucun cas dissimuler
leurs viles actions où se tapit toute déloyauté ,
car il est aussi coupable envers Dieu
celui qui soutient un larron que le larron lui-même.
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II
Lairon son el e renhon sobre nos:
Doncx ben em fol et ab pauc d'essien,
Pus laires es qui a lairon cossen.
Que farem doncx si no-ns en val razos
Cridem lo mal qu'ilh fan o que fan faire,
Si que puescon conoisser lors peccatz
E no-s tenga negus asseguratz
Si ve desfar son vezi o son fraire.
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2
Ils sont larrons et ils règnent sur nous :
nous sommes donc bien fous et bien peu sagaces,
dans la mesure où il est larron lui-même celui qui tolère
le larron.
Que ferons-nous donc si la raison ne nous vient en aide?
Proclamons le mal qu'ils font ou qu'ils font faire,
afin que tout le monde puisse reconnaître leurs péchés
et que personne ne se pense en sécurité
d'avoir vu ruiner son voisin ou son frère.
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III
Fraire son tug, mas no son pas engals
Las partz qu'ilh fan dels bes de Jhesu Crist.
Ai verais Dieus, c'ab-ton sanc nos remsist,
Veias com es sancta glieiza venals
Que hom no i a dignetat ni prebenda
Si non lur fai soven donar secórs,
O non es neps o filhs de tos pastórs,
O non cossen lor deslial fazénda.
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3
Ils sont tous frères, mais elles ne sont pas égales,
les parts qu'ils font des biens de Jésus-Christ.
Ah! vrai Dieu, qui nous rachetas avec ton sang,
vois combien la sainte église est vénale!
Car personne n'y obtient dignité ni prébende
s'il ne leur fait souvent donner des offrandes,
s'il n'est pas neveu ou fils de tes pasteurs,
ou s'il n'approuve pas leur déloyale conduite.
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IV
Faitz an felons e ditz esperitals,
Ab votz tenen et ab coratge trist;
Ieu cug qu'el son messatge d'Antecrist:
Gardatz si d'els pot ben issir totz mals.
Mais Dieus en fai tot jorn trop bel'esménda:
C'on plus aut son pujat en las honórs,
Cazon plus bas ab penas et ab plórs,
El fons d'ifern, e autre cuelh la rénda.
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4
Leurs actes sont fourbes et leurs discours inspirés ,
avec une voix mielleuse et un coeur mauvais.
Moi je crois qu'ils sont messagers d'Antéchrist :
voyez si d'eux peut bien sortir tout mal.
Mais Dieu en tire chaque jour très grande réparation
car plus haut ils sont montés dans les honneurs,
plus bas ils tombent avec tourments et pleurs,
au fond de l'enfer, et c'est un autre qui recueille leur rente.
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V
Rendas queron per laissar als paréns,
E anc donatz no fon tan lor amicx
Que no sía per els tengutz mendicx
Si non lor fai remembransa prezéns.
Sel qui conois e sap Santa Ecriptura
Es pauc prezatz si no sap de traféy
E non conois la lur deslial léi,
Que fan semblar de tot mal tort drechura.
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5
Ils recherchent des rentes pour les laisser à leurs parents,
et jamais frère lai ne fut tant leur ami
qu'il ne soit tenu par eux pour un gueux
s'il ne se rappelle à leur souvenir par quelque présent.
Celui qui sait et connaît la Sainte Ecriture
est peu prisé d'eux s'il n'est versé dans les combines
et s'il ne connaît pas leur déloyale loi,
qui est de faire passer tout préjudice pour droiture.
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VI
Gardon si sel que fan de tort drechura
Que solamen fauc de lor ma rancura.
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6
Qu'ils prennent garde, ceux qui font de tort droiture,
car contre eux je ne cesse de présenter mes doléances.
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